Dans un contexte de crise sanitaire inédite, nous avons cherché à évaluer l’impact que pouvait avoir la COVID19 sur l’engagement des salariés (voir notre enquête dédiée). En jugeant la gestion de la crise par leur entreprise, collaborateurs, managers et dirigeants expriment des attentes fortes à l’égard de leur société, jugée responsable de leur sécurité et de la protection de leur santé. De telles attentes sont à prendre en compte avant l’élaboration de toute stratégie de Responsabilité Sociétale d’Entreprise (RSE) notamment dans un contexte de profonds changements. De ces attentes et expériences, nous avons tiré des enseignements utiles à la mobilisation ou remobilisation des collaborateurs. Voici ces enseignements.
1. Prendre en compte la diversité des expériences et des situations
- Mars 2020. Les premiers confinements imposés par la crise du COVID19 ont fait l’objet de nombreuses images et vidéos humoristiques devenues virales en un éclair sur les réseaux sociaux. Mais très vite le caractère inédit de la situation s’est mué pour beaucoup en carcan, du fait des restrictions de mobilité et des contraintes sociales. En conséquence, on a pu observer de multiples disparités dans cette période, vécue différemment selon que l’on était parents de jeunes enfants ou non, en maintien d’activité ou au chômage partiel, que l’on occupait un logement exigu ou en « retraite » à la campagne, un cadre en télétravail ou un employé sur site, etc. A la veille de nouveaux confinements éventuels, même partiels, ces différences d’expériences risquent de se reproduire ou de s’accentuer.
- En bref, la crise peut apparaître comme une opportunité d’évolution professionnelle ou inversement comme un motif d’inquiétude pour l’avenir.
- Il est donc critique que l’entreprise écoute et prenne le pouls de chaque équipe et de chaque individu. L’appréhension d’une « nouvelle normalité » pourra se faire sur la base d’un partage des expériences vécues et sur les enseignements individuels et collectifs.
Actions
- Inscrire dans les rites de management et de communication interne des dispositifs d’écoute « bottom-up » et des espaces de discussions en « many-to-many » pour des échanges réguliers et fréquents.
- Recourir à certains outils de coaching collectif et d’organisation efficaces pour réaligner les individus et les équipes autour de nouveaux repères.
2. Réaffirmer le rôle de l’entreprise dans la protection et la sécurité de ses collaborateurs
- Les entreprises ayant mis au premier rang de leurs priorités la protection des personnes ont développé un capital-confiance précieux pour réengager leurs équipes. C’est un des résultats du sondage via LinkedIn que nous avions réalisé en juin 2020 via LinkedIn. C’est aussi ce que révèle une étude de McKinsey sur l’impact de la COVID19 sur l’« expérience collaborateur ».
- C’est bien sûr une obligation légale – et morale – première de l’entreprise vis-à-vis de ses collaborateurs. La loi française a institué une obligation de moyens « renforcée » en matière de sécurité des salariés. (L’employeur doit prouver qu’il a bien mis en œuvre les mesures nécessaires à la préservation de la santé et de la sécurité de ses salariés). Mais l’enjeu est ici de fournir des éléments de réassurance aux équipes pour les remotiver.
- Par ailleurs, même, nombre d’entreprises ont redoublé de vigilance sur les risques psycho-sociaux (RPS). Rappelons que le télétravail pendant le confinement total s’est traduit par une surcharge de travail ou une source de stress et d’isolement pour de nombreux salariés. Déjà avant la pandémie, on observait une prise de conscience croissante par les entreprises des problèmes de santé mentale et de stress chez leurs employés. D’après WillisTowerWatson, les cas de dépression et d’anxiété ont augmenté de 15 à 20% durant la dernière décennie. Dans de nombreux pays industrialisés, ils sont à l’origine de 30 à 35% de l’absentéisme eu travail.
Actions
- Mettre en place des dispositifs de prévention des RPS (si ce n’est pas déjà fait).
- Fournir les efforts maximum pour préserver la sécurité financière et l’emploi des collaborateurs.
3. Associer les collaborateurs à des changements concrets et immédiats
- Les modes de travail vont durablement changer pour faire place à une organisation hybride, combinant activités sur site et travail à distance. Règles de distanciation sociale, mesures sanitaires, contraintes ou opportunités nouvelles de mobilité, solutions technologiques, demande de plus de flexibilité, etc. On observe une banalisation des outils de travail à distance comme la visioconférence ou les applications de travail collaboratif. Le télétravail s’inscrit désormais dans notre univers professionnel et personnel. Mais jusqu’à quel point ?
- Entre adeptes du « 100% télétravail » et opposants à sa généralisation, des voix proposent des solutions intermédiaires. De nombreux chefs d’entreprise ou de salariés souhaitent maintenir une activité «en présentiel». Soucieux de maintenir la cohésion du collectif, des liens sociaux et un sentiment d’appartenance, ils dénoncent le risque d’«anomie».
Actions
- Associer les équipes aux décisions touchant à l’organisation de leur travail (espaces, présence, outils, etc.). Ce sont elles qui les connaissent le mieux les processus opérationnels et les premières impactées par le changement.
- Favoriser les échanges de bonnes pratiques et de suggestions entre collaborateurs sur des changements aux résultats concrets, visibles rapidement.
4. Adapter les pratiques managériales au nouveau contexte
- Maîtriser les outils collaboratifs est désormais une condition nécessaire pour manager à distance, mais pas suffisante. Pour éviter des effets « de mode », de « réunionite » ou d’hypercontrôle, les managers doivent adapter leurs posture et modes opératoires. Cela signifie probablement de revoir certains critères – formels et informels – d’évaluation de la performance individuelle et collective. Cela signifie aussi de développer confiance et collaboration entre individus et équipes, internes ou externes à l’entreprise.
- Le développement de compétences – technologiques, collaboratives, gestion de la complexité, etc. – etc. est un axe de travail prioritaire.
- Enfin, plus que jamais, collaborateurs attendent reconnaissance, feedback et dialogue. Autant d’habitudes managériales à renforcer.
Actions
- Accompagner les managers dans l’adaptation de leur style de leadership aux nouvelles situations
- Développer une culture du feed-back, du dialogue et de la reconnaissance.
5. Communiquer, communiquer, communiquer
- D’après nos études la façon dont leur entreprise communique est pour les collaborateurs un critère déterminant dans la gestion même de la crise. La communication est nécessaire pour redonner du sens et appréhender la contribution de chacun au projet et devenir de l’entreprise, elle doit plus que jamais être adaptée à la multiplicité des expériences des et individus et équipes.
- Plus que jamais, les collaborateurs attendent de leur entreprise transparence et précision dans la communication de leurs dirigeants : comment la COVID19 (ou toute autre crise majeure) impacte-t-elle leur activité ? Le projet stratégique doit-il évoluer ? Comment chacun est impacté par et/ou contribue aux évolutions ? Autant de questions auxquelles les parties prenantes de l’entreprise attendent des réponses, y compris sur des sujets difficiles.
Actions
- S’adresser de manière régulière à tous les collaborateurs tout en adaptant les messages à leurs expériences et attentes
- Donner de la visibilité, même à court terme, sur les activités et enjeux
C’est donc sur des bases permettant le dialogue et le renforcement de la sécurité physique et psychologique des collaborateurs que l’on pourra attendre leur engagement.
C’est aussi sur ces bases que pourra se construire une stratégie de résilience et de développement durables pour l’entreprise, en cohérence avec sa raison d’être.